Combien de propositions de reclassement avant licenciement professionnel ?

Votre employeur doit-il vous faire plusieurs propositions de reclassement avant de vous licencier ? Vous vous demandez s’il existe un nombre minimum d’offres à recevoir ? Vous voulez savoir ce qui se cache exactement derrière cette obligation légale ?

Vous n’êtes pas le seul à vous poser ces questions ! Beaucoup de salariés pensent qu’il faut forcément recevoir plusieurs propositions avant qu’un licenciement soit valable. Mais est-ce vraiment le cas ?

La réalité juridique est bien différente de ce qu’on imagine souvent. Il n’y a pas de chiffre magique inscrit dans le Code du travail. Ce qui compte, c’est la qualité des recherches menées par votre employeur et la précision des offres formulées.

Vous voulez comprendre exactement comment ça marche ? Découvrons ensemble les règles qui encadrent cette obligation de reclassement et ce que cela signifie concrètement pour vous.

Combien de propositions de reclassement faut-il faire avant de licencier ?

La question qui vous brûle les lèvres mérite une réponse claire : il n’existe aucun nombre minimum de propositions de reclassement imposé par la loi française.

L’employeur peut parfaitement procéder au licenciement dès lors qu’il a :

  • Effectué toutes les recherches nécessaires dans le bon périmètre
  • Proposé tous les postes disponibles correspondant à vos compétences
  • Respecté les formes obligatoires pour chaque offre
  • Attendu votre réponse dans les délais requis

Si aucun poste n’est disponible dans l’entreprise ou le groupe, l’employeur peut même procéder au licenciement sans avoir fait aucune proposition. Il doit simplement prouver qu’il a bien cherché et qu’aucun emploi compatible n’existe.

La jurisprudence récente de la Cour de cassation confirme cette approche. Dans un arrêt du 22 janvier 2025, les juges ont rappelé que l’obligation porte sur la qualité des recherches et la précision des offres, pas sur leur nombre.

Situation Nombre de propositions requis Condition
Aucun poste disponible 0 Prouver les recherches effectuées
1 seul poste compatible 1 Offre écrite et précise obligatoire
Plusieurs postes disponibles Autant que de postes Toutes les offres compatibles

Cette approche s’applique aussi bien pour un licenciement économique que pour un licenciement suite à une inaptitude professionnelle. La différence réside dans le périmètre des recherches et les modalités d’accompagnement.

Quand et à quel périmètre commence l’obligation de reclassement ?

L’obligation de reclassement ne tombe pas du ciel. Elle s’active dans des situations bien précises et avec un périmètre défini par la loi.

Pour un motif économique, l’employeur doit chercher des postes disponibles dès qu’il envisage un licenciement. Cette recherche doit couvrir :

  • Toutes les entreprises du groupe situées en France
  • Tous les établissements de l’entreprise sur le territoire national
  • Les postes de qualification équivalente ou inférieure
  • Les emplois accessibles par formation ou adaptation rapide

En cas d’inaptitude professionnelle, le périmètre se limite généralement à l’entreprise elle-même, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Le médecin du travail joue ici un rôle central en émettant des recommandations d’aménagement ou de reclassement.

L’employeur doit pouvoir justifier ses recherches par tous moyens : consultation des systèmes d’information RH, échanges avec les filiales du groupe, demandes aux responsables d’établissement. Ces preuves de recherche sont essentielles car leur absence peut rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Attention : depuis l’ordonnance de 2017, l’employeur peut choisir entre proposer directement des postes identifiés ou diffuser une liste des emplois disponibles. Cette seconde option simplifie les démarches mais impose des règles strictes sur le contenu de la liste.

Formation et adaptation : jusqu’où va l’obligation ?

L’employeur doit rechercher les postes accessibles ‘moyennant une formation ou une adaptation’. Mais cette obligation a ses limites.

La jurisprudence de 2016 précise que l’employeur n’est pas tenu d’assurer une formation complète pour changer de métier. Il s’agit plutôt de formations courtes permettant une prise de poste rapide ou d’adaptations mineures des conditions de travail.

Contenu et forme obligatoires d’une offre de reclassement

Une proposition de reclassement ne s’improvise pas. Elle doit respecter des mentions obligatoires sous peine de nullité du licenciement.

Chaque offre écrite debe obligatoirement comporter :

  • L’intitulé précis du poste proposé
  • Le nom de l’employeur et sa localisation
  • La nature du contrat de travail (CDI, CDD, temps plein/partiel)
  • La localisation géographique du poste
  • La rémunération proposée
  • La classification ou coefficient de salaire

L’absence d’une seule de ces mentions peut priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. C’est ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans son arrêt du 23 octobre 2024.

La proposition doit également être :

  • Écrite et datée pour permettre le calcul des délais de réponse
  • Envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge
  • Rédigée en français et compréhensible pour le salarié
  • Accompagnée d’un délai de réponse raisonnable (généralement 15 jours)

Exemple de formulation correcte

« Nous vous proposons le poste de responsable commercial (H/F) au sein de la société XYZ SAS, située 12 rue de la Paix à Lyon (69000). Ce poste s’exercerait en contrat à durée indéterminée, à temps plein, avec une rémunération brute mensuelle de 3 200 euros, coefficient 350 selon la convention collective du commerce. »

Cette formulation respecte toutes les exigences légales et ne laisse aucune ambiguïté sur les conditions d’emploi proposées.

Différence entre offre personnalisée et diffusion d’une liste

Depuis 2017, l’employeur peut opter pour deux méthodes : la proposition directe de postes identifiés ou la diffusion d’une liste des emplois disponibles. Chaque approche a ses règles propres.

La proposition directe reste la méthode classique. L’employeur identifie les postes compatibles et vous les propose individuellement avec toutes les mentions obligatoires. Vous disposez alors d’un délai pour accepter ou refuser chaque offre.

La diffusion d’une liste permet à l’employeur de publier tous les postes disponibles dans l’entreprise et le groupe. Cette liste doit impérativement mentionner :

  • Les critères de départage en cas de candidatures multiples
  • Le délai minimum de candidature (15 jours francs minimum)
  • Les modalités de candidature
  • Toutes les informations sur chaque poste (même exigences qu’une offre directe)

L’arrêt du 8 janvier 2025 de la Cour de cassation a sanctionné un employeur qui avait omis d’indiquer les critères de départage dans sa liste. Cette omission a rendu le licenciement économique sans cause réelle et sérieuse.

Méthode Avantages Contraintes
Offre directe Ciblage précis, démarche personnalisée Plus longue à mettre en œuvre
Liste de postes Simplicité, vision globale Critères de départage obligatoires

Délais de réponse selon la méthode choisie

Pour une liste de postes, le délai minimum de candidature est fixé à 15 jours francs par l’article D.1233-2-1 du Code du travail. Ce délai se réduit à 4 jours francs si l’entreprise est en redressement ou liquidation judiciaire.

Pour une offre directe, aucun délai légal n’est imposé mais la jurisprudence exige un délai ‘raisonnable’ permettant une vraie réflexion, généralement 8 à 15 jours selon les circonstances.

Reclassement en cas d’inaptitude : spécificités et rôle du médecin

Le reclassement pour inaptitude suit des règles particulières qui diffèrent du licenciement économique sur plusieurs points essentiels.

Le médecin du travail devient un acteur central du processus. C’est lui qui :

  • Constate l’inaptitude du salarié à son poste
  • Émet des préconisations d’aménagement ou de reclassement
  • Indique les postes compatibles avec l’état de santé
  • Valide l’impossibilité de tout reclassement le cas échéant

Contrairement au motif économique, l’employeur doit ici maintenir la rémunération du salarié pendant la période de recherche de reclassement, sauf accord d’entreprise prévoyant des dispositions différentes.

Le périmètre de recherche se limite généralement à l’entreprise elle-même, mais certaines conventions collectives peuvent l’étendre au groupe. L’employeur doit chercher :

  • Les postes de même qualification accessible avec l’état de santé du salarié
  • Les emplois de qualification inférieure si nécessaire
  • Les postes aménageables selon les préconisations médicales

Important : si le médecin du travail indique que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, l’employeur peut être dispensé de rechercher un reclassement. Cette situation reste exceptionnelle et doit être clairement motivée.

Délai d’un mois maximum

L’employeur dispose d’un délai maximum d’un mois à compter de l’avis d’inaptitude pour proposer un reclassement ou notifier le licenciement. Ce délai court même pendant les congés ou jours fériés.

Au-delà de ce délai, l’employeur doit reprendre le versement du salaire même en l’absence de travail effectué, ce qui constitue une forte incitation à agir rapidement.

Preuves, sanctions et jurisprudence récente

La charge de la preuve pèse entièrement sur l’employeur. Il doit pouvoir démontrer qu’il a effectivement recherché des postes de reclassement dans le bon périmètre.

Les moyens de preuve acceptés par les tribunaux incluent :

  • Captures d’écran des systèmes d’information RH
  • Correspondances avec les filiales du groupe
  • Attestations des responsables d’établissement
  • Tableaux de bord des effectifs et mouvements de personnel
  • Ordres de mission ou demandes de mutation internes

L’absence de preuves suffisantes expose l’employeur à des sanctions lourdes. Le tribunal peut :

  • Déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse
  • Condamner au versement d’indemnités supplémentaires
  • Ordonner la réintégration du salarié dans certains cas
  • Annuler purement et simplement la procédure de licenciement

La jurisprudence récente maintient une ligne ferme sur ces exigences. Dans l’arrêt du 22 janvier 2025, la Cour de cassation a censuré un employeur qui n’avait pas pu justifier ses recherches au niveau du groupe, malgré l’existence avérée d’autres entreprises dans le périmètre géographique.

Points d’attention issus de la jurisprudence 2024-2025

Les dernières décisions de justice mettent l’accent sur plusieurs points techniques :

  • L’obligation de mentionner les critères de départage dans toute liste de postes
  • La nécessité de dater précisément chaque proposition pour calculer les délais
  • L’importance de justifier le périmètre des recherches par des preuves concrètes
  • L’exigence de précision sur la nature exacte du contrat proposé

Ces évolutions jurisprudentielles renforcent les obligations formelles pesant sur les employeurs et réduisent leur marge de manœuvre en cas de contentieux.

Bonnes pratiques et checklist pour l’employeur

Pour sécuriser la procédure de reclassement, l’employeur a tout intérêt à suivre une méthodologie rigoureuse et à documenter chaque étape.

Checklist de la recherche de reclassement

Avant toute proposition, vérifiez que vous avez :

  • Consulté tous les postes vacants dans l’entreprise
  • Contacté toutes les autres entreprises du groupe en France
  • Documenté chaque démarche par écrit
  • Identifié les postes de qualification égale ou inférieure
  • Évalué les besoins de formation ou d’adaptation

Rédaction des propositions

Chaque offre doit contenir toutes les mentions obligatoires :

  • Intitulé précis du poste
  • Nom et adresse de l’employeur
  • Nature et durée du contrat
  • Lieu de travail exact
  • Rémunération et classification
  • Date de la proposition

L’envoi doit se faire par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge. Conservez tous les justificatifs de réception.

Gestion des délais et des réponses

Accordez un délai de réponse suffisant (15 jours minimum) et relancez par écrit en cas de non-réponse. Le silence du salarié peut être interprété comme un refus, mais mieux vaut obtenir une réponse explicite.

Si le salarié refuse les propositions, demandez-lui de motiver son refus par écrit. Cela peut être utile en cas de contestation ultérieure.

Conservation des preuves

Constituez un dossier complet comprenant :

  • Toutes les recherches effectuées avec leurs dates
  • Les propositions envoyées et accusés de réception
  • Les réponses du salarié ou constats de silence
  • Les justificatifs d’impossibilité de reclassement

Cette documentation sera indispensable en cas de recours prud’homal.

Questions fréquentes sur les propositions de reclassement

Puis-je refuser plusieurs postes de reclassement ?

Oui, vous avez parfaitement le droit de refuser les propositions de reclassement qui ne vous conviennent pas. Ce refus ne vous prive pas de vos indemnités de licenciement ni de vos droits au chômage. L’employeur peut alors procéder au licenciement après avoir épuisé toutes les possibilités de reclassement dans le périmètre requis.

Quel est le délai de réponse à une proposition de reclassement ?

Aucun délai légal n’est fixé pour une offre directe, mais l’employeur doit vous laisser un délai raisonnable pour réfléchir, généralement entre 8 et 15 jours. Pour une liste de postes, le délai minimum de candidature est de 15 jours francs (4 jours si l’entreprise est en difficulté financière).

Quel est le délai de licenciement après un refus de reclassement ?

L’employeur peut procéder au licenciement dès réception de votre refus écrit ou à l’expiration du délai accordé pour répondre. Il n’existe pas de délai d’attente supplémentaire imposé par la loi, sous réserve du respect des procédures de licenciement (entretien préalable, notification, etc.).

Un PSE dispense-t-il l’employeur de son obligation de reclassement ?

Non, l’existence d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) ne dispense pas l’employeur de rechercher des possibilités de reclassement. L’obligation reste entière et doit être respectée pour chaque salarié concerné par le licenciement économique, même dans le cadre d’un PSE.

Combien de propositions de reclassement avant licenciement pour inaptitude ?

Comme pour le motif économique, il n’existe aucun nombre minimum de propositions en cas d’inaptitude. L’employeur doit proposer tous les postes compatibles avec les préconisations du médecin du travail. S’il n’y en a aucun, le licenciement peut intervenir sans proposition préalable.

L’employeur peut-il proposer un poste à l’étranger ?

Non, l’obligation de reclassement se limite aux entreprises du groupe situées en France. L’employeur n’est pas tenu de rechercher des postes dans ses filiales étrangères, sauf clause contractuelle ou conventionnelle spécifique prévoyant cette possibilité.

Que se passe-t-il si l’offre de reclassement est incomplète ?

Une offre incomplète qui ne comporte pas toutes les mentions obligatoires peut priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Le tribunal peut alors annuler la procédure et condamner l’employeur à verser des dommages-intérêts supplémentaires au salarié licencié.